En ce qui me concerne la notion de qualité dans l’éclairage et le traitement des nuisances sont pratiquement nées en même temps que mon expérience dans le domaine, il y a une vingtaine d’années.
J’ai eu la chance de rencontrer, par exemple, Mr Desmet qui était le Directeur du Bureau d’Etudes des Techniques Spéciales de la ville de Mons. Il m’a montré que l’on pouvait éclairer moins mais mieux. On peut atteindre des résultats en termes de confort, de sécurité, de bien-être, de lutte contre le vandalisme sans pour cela devoir mettre des quantités de lumières indécentes. Cela a percolé en moi et j’en ai fait mon angle d’attaque principal pour tous les projets qui me sont confiés. Que l’on travaille la source lumineuse, les optiques ou les positions des éclairages il y a toujours une solution pour impacter le moins possible notre environnement. Il s’agit toujours d’un équilibre entre les différents utilisateurs de l’espace public (riverains, usagers faibles, usagers forts, biodiversité, public).
Quelle est votre vision de l’éclairage en 2050 ?
La question est complexe. Nous sommes à un tournant de l’éclairage par sa digitalisation. Tout passe aux leds aujourd’hui. Un grand changement s’opère aussi dans l’automobile. On sent bien que l’on se dirige vers des véhicules qui seront de plus en plus autonomes. Je pense qu’il y aura une liaison entre les déplacements des usagers et l’éclairage. L’éclairage va sans doute s’adapter aux différents usagers (cyclistes, automobiles, piétons). La technologie actuelle va dans ce sens, en intégrant différents types de capteurs qui mesurent la présence, le bruit, la pollution, la congestion automobile, qui font du comptage … et qui peuvent donner des informations pour faire varier cet éclairage. D’un autre côté, la conscience climatique s’installant, enfin vais-je dire, les projets se voient modifiés et des critères tels que les impacts environnementaux et sociaux sont de plus en plus mis en avant. Cela s’accentuera à coup sûr.
Et si la maxime « Ne pas juste éclairer mais éclairer juste » pouvait devenir un leitmotiv ? Et si tous ensemble nous pouvions avoir du poids pour le bien-être humain mais également animal et environnemental ?
Quelle est, selon vous, l’innovation la plus prometteuse pour contrer la pollution lumineuse ?
Je voudrais tout de même en évoquer deux, à savoir le travail des optiques autour de la led et les technologies de détection des utilisateurs dans l’environnement. La led, sa puissance et son efficacité sont aujourd’hui un facteur essentiel. En-dehors d’elle on a évidemment une optique qui va permettre d’amener la lumière produite par cette led où l’on veut qu’elle soit la plus efficace. Les fabricants d’optiques vont avoir un grand rôle à jouer. Certains travaillent sur l’éclairage laser (il s’agit là aussi de leds mais d’un autre type) et l’industrialisent déjà à grande échelle dans le monde automobile.
La technologie de détection des différents usagers va permettre d’adapter l’éclairage aux besoins nécessaire. Aujourd’hui on éclaire de manière uniforme avec de plus en plus régulièrement un délestage de l’éclairage pendant la nuit. Les technologies de détection vont pouvoir nous faire savoir qui utilise notre environnement et donner des ordres à l’éclairage. Pourquoi, par exemple, éclairer une voirie reliant deux communes en permanence s’il n’y a que quelques véhicules qui y passent par nuit. La détection va permettre de faire varier cet éclairage en fonction du besoin et donc avoir un impact direct sur les consommations, la nuisance lumineuse mais aussi la biodiversité.
La pollution lumineuse a des causes multiples mais certaines peuvent être facilement combattues : Avoir des appareils d’éclairage qui n’émettent pas de lumière vers le haut, restreindre voir interdire l’éclairage encastré de sol qui éclaire vers le haut, diminuer les intensités de manière automatique, réguler les enseignes lumineuses la nuit, bref chacun qu’il soit citoyen, commerçant, industriel ou décideur politique peut amener sa pierre à l’édifice.
A l’heure où la voiture devient autonome, les routes devraient-elles être autant éclairées ?
Cela va essentiellement dépendre de la part de véhicules autonomes. L’éclairage des voiries a été imaginé pour la sécurité des usagers et des riverains.
Des expériences sont en cours à plus ou moins grande échelle. La Wallonie se dote aujourd’hui d’un réseau d’éclairage autoroutier intelligent. Ils ont décidé de pouvoir faire varier l’éclairage en fonction de l’occupation, des dangers, de la météo et d’autres facteurs mesurables. Mais il est vrai qu’à terme lorsqu’il n’y aura plus que des véhicules autonomes, la question concernant l’éclairage des voiries devra être abordée.
Il faudra évidemment toujours jongler entre les différents utilisateurs de l’espace public. Le véhicule autonome ne nécessitera pas ou de moins de lumière, mais les cyclistes, les piétons sont aussi des usagers dont il faudra continuer à prendre en compte.