Le 28 août dernier, a eu lieu la nuit européenne des chauves-souris. A l’instar d’une multitude d’acteurs partout en Europe, Natagora a organisé des moments de rencontre et de découverte de ces mammifères volants lors de films, animations, balades nocturnes, expositions et autres activités.
La Nuit européenne des Chauves-souris est l’occasion de mettre en avant les particularités de ces animaux hors du commun. Claire Brabant, chargée de mission chauve-souris chez Natagora et également chargée de l’étude de terrain pour le projet Smart Light HUB, est passionnée par ces mammifères ailés uniques en leur genre. Nous lui avons demandé de nous en dire plus sur cet événement.
Claire, pourrais-tu nous dire quels ont été les moments marquants de cette nuit des chauves-souris ? Quel est l’objectif derrière cet événement ?
Cette année la NEC a été un peu particulière, à cause des mesures covid, les animations chauves-souris étaient réalisées à l’extérieur et le nombre de participants a été limité (30 participants au lieu de 50-60 participants les autres années). Comme c’était en petit effectif il y a eu beaucoup plus de temps pour des échanges avec le public. Ces échanges étaient très enrichissants : de nouvelles données de chauves-souris des participants (chauve-souris derrière un volet, chauve-souris volant dans leur jardin), une petite fille a demandé à son père si elle pouvait avoir un détecteur à ultrasons comme cadeau de Noël, ce dernier m’a donc demandé des références pour acheter un détecteur à ultrasons etc.
L’objectif derrière la Nuit des chauves-souris est la sensibilisation du public, tout simplement faire connaître les chauves-souris.
Qu’est-ce qui t’impressionne / t’intéresse le plus chez ces animaux ?
Les chauves-souris sont vraiment des bijoux de l’évolution, des animaux vraiment uniques aux particularités impressionnantes :
- Les chauves-souris ont 8 sens : vue, goût, toucher, odorat, ouïe mais aussi l’écholocation, la polarisation de la lumière, perception du champ magnétique terrestre.
- Les chauves-souris volent avec leurs mains.
- Elles peuvent hiberner plusieurs mois.
- Elles dorment la tête en bas sans dépenser la moindre énergie et les femelles, quand elles mettent au monde leur unique jeune, accouchent la tête en bas.
- Elles vivent longtemps. Le record est de 41 ans pour un Murin de Brandt.
- C’est une chauve-souris qui a le record du vol le plus rapide : Tadarida Brasiliensis est capable de voler à 160km/h.
Mais ce sont aussi des individus sociaux, les femelles se regroupent entre elles pour élever leurs jeunes. La plus grosse colonie de chauves-souris regroupe 20 millions d’individus (grotte Bracken Cave au nord de San Antonio) et parmi tous ces individus la femelle va retrouver son unique jeune.
Plus on creuse sur les chauves-souris plus on découvre de nouvelles particularités étonnantes !
Est-ce que la météo particulière de cet été a eu un impact sur les colonies qui vivent dans nos contrées ?
Les chauves-souris ont de merveilleuses capacités d’adaptation, elles se reproduisent en automne, mais la fécondation à lieu uniquement au printemps, les femelles ont aussi la capacité de mettre leur embryon sur pause si les conditions météo sont mauvaises. Malgré ces superbes adaptations, les chauves-souris ont quand même été très impactées par la météo, en effet nous avons pu faire les observations suivantes :
De jeunes Pipistrelles communes ont été observées en train de chasser 2 à 3 heures avant le coucher de soleil. D’autres chauves-souris ont été aperçues en chasse au-dessus d’un lac en plein soleil au milieu de l’après-midi. Des chauves-souris qui chassent en dehors de la nuit peut-être un signe de pénurie alimentaire. Trop de pluie, trop froid, les bêtes finissent par sortir dès que des conditions propices se présentent, y compris en journée.
Lors de captures fin juin, quasi toutes les femelles capturées étaient encore gestantes : 19 individus sur les 20 femelles étaient gestantes, la dernière était non allaitante (certainement une femelle qui n’a pas eu de jeune cette année). Sur la session de capture de début juillet sur les 6 femelles capturées 5 étaient allaitantes, 1 femelle était encore gestante. Habituellement les femelles mettent bas en mai-juin, et avoir des femelles gestantes aussi tard dans l’année est problématique : le jeune aura peu de temps pour se développer, apprendre à voler, à chasser et faire des réserves de graisse pour l’hiver.
Les colonies observées lors des comptages estivaux annuels n’ont pas eu leurs jeunes avant début juillet, voire mi-juillet pour certaines espèces comme les Rhinolophus ferrumequinum et R. hipposideros. Beaucoup de cadavres de nouveau-nés ont été retrouvés au sol notamment chez les Myotis Emargintus. Parfois les jeunes étaient seuls en journée ce qui laisse supposer que les adultes avaient été coincés dans un gîte temporaire par le mauvais temps.
La colonie de Myotis myotis à l’abbaye de Clairefontaine dans la Semois était très affaiblie par rapport aux autres années. Les individus étaient bien inférieurs en nombre et semblaient léthargiques, cachés sous les poutres et ne pendant pas librement.
Lors des captures en ferme fin juillet, plusieurs femelles adultes de Murin à moustaches ont été capturées, la plupart étaient non allaitantes. On peut envisager que ces dernières ont perdu leur jeune ou n’ont pas pu aller au bout de leur gestation.
Les appels SOS chauves-souris concernaient beaucoup de chauves-souris retrouvées affaiblies et de bébés retrouvés au sol.
Plus d’informations sur notre prochain article de l’Echo des Rhinos : https://plecotus.natagora.be/biblio/lecho-des-rhinos (parution fin septembre)