Faire face aux problèmes de pollution lumineuse, à Trèves et dans ses environs

La pollution lumineuse est un problème bien connu en raison de ses effets négatifs sur la santé humaine et les écosystèmes naturels. À l’Université de Trèves, le point de contact pour le transfert de connaissances et de technologies et le département de géographie physique tentent de développer des stratégies dans le cadre du projet Interreg Smart Light – HUB, par ex. contribuer à la diffusion des avantages des systèmes d’éclairage intelligents ou soutenir le développement de prototypes jusqu’au lancement sur le marché.

Les principaux objectifs sont d’atteindre le public le plus large possible et d’accroître l’acceptation ici et, à l’aide d’un transfert d’innovation, d’établir un lien solide entre les instituts de recherche et les producteurs.

Après une première revue scientifique internationale de la littérature de plus de 8 000 publications, les groupes de recherche les plus importants considèrent les aspects suivants afin de les coordonner avec les groupes d’intérêt et la population :

  1. L’intensité lumineuse ;
  2. La composition du spectre ;
  3. Le temps et la durée de l’éclairage afin d’optimiser le temps d’éclairage avec les technologies disponibles ;
  4. Les périodes d’éclairage et le cône de commande ;
  5. La hauteur et la distance entre les sources lumineuses pour optimiser l’espace entre les sources lumineuses afin de réduire le flux lumineux et la consommation d’énergie inutile ;
  6. Les évaluations d’impact environnemental sur site ;
  7. L’analyse des besoins réels et des approches moins standardisées, en examinant l’évolution des usages et des habitudes de consommation lumineuse.

En conséquence, nous avons aligné nos principales stratégies pour traiter ces questions clés dans le cadre du projet SMART LIGHT-HUB (INTERREG), qui a prévu de fournir des systèmes d’éclairage intelligents au cours des trois prochaines années (2019-2021), et le plus élevé possible niveau de participation du public et de la politique et pour atteindre les entreprises actives dans les domaines concernés.

Le Chargé de projet Smart Light HUB de l’Université de Trèves, Dr. Jesús Rodrigo-Comino, lors de l’événement « City Campus » à Trèves.

À cette fin, dans le cadre d’un réseau transfrontalier dans la Grande Région, nous construisons un réseau de R&D dans la région de Trèves. Celui-ci permet de développer de nouvelles solutions collectives pour des besoins jusqu’ici non pris en compte dans le secteur privé et public en matière d’éclairage. Nous avons remarqué qu’il existe des différences régionales dans la définition des principaux problèmes à résoudre. Dans la région de Trèves, ce sont plus dans le domaine des espaces privés, au Luxembourg et en Belgique plus dans le domaine de la circulation routière et de l’éclairage des espaces publics. Nous prévoyons des ateliers d’échange qui serviront à mettre en œuvre le projet et toucheront les parties intéressées sur place (autorités, municipalités, secteur public-privé, entreprises privées, etc.) et les participants externes qui représentent les utilisateurs finaux. Nous voulons également travailler sur la perception humaine et capter les opinions des enfants, des enseignants et des chercheurs. Tout cela sera une opportunité fantastique pour faire face à un problème environnemental avec une expansion croissante dans le monde.

Responsables du projet Smart Light HUB de l’Université de Trèves :

  • Dr Jesús Rodrigo-Comino  
  • Stephan Seeling 
  • Dr Christel Egner-Duppich  
  • Teresa Benzing  
  • Ashwini Trivedi  
  • Dr Manuel Seeger  
  • Prof. Dr. Johannes B. Ries

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3 Questions à … Claire Brabant, Naturaliste chez Natagora

Engagée depuis 2017 comme chargée de mission « chauve-souris » chez Natagora, Claira Brabant s’intéresse depuis très jeune à cette espère lucifuge – qui fuit la lumière – et qui reste un des animaux les plus  sensibles à la pollution lumineuse.  Après une étude sur les chauves-souris dans la zone spéciale de conservation 2 au Parc Fond’Roy et au Parc de Wolvendael, Claire Brabant réalise une courte étude sur la pollution lumineuse à Bruxelles et son impact sur les chauves-souris. Elle y détermine une « trame sombre », qu’il faudra mettre en place pour préserver les chauves-souris.
Claire Brabant – Naturaliste chez Natagora au sein du pôle Plecotus (chauves-souris), et qui a été mandatée par le projet Smart Light HUB pour participer à l’étude de terrain.
Pourquoi en sommes-nous à parler de pollution lumineuse aujourd’hui ?

L’impact de la pollution lumineuse est connu depuis longtemps, mais depuis peu de nouveaux plans lumière voient le jour en Belgique. Ces nouveaux plans lumière ont comme lignes directrices le remplacement des lampes sodium obsolètes en lampes LED, ainsi que la modernisation des infrastructures d’éclairage. Le remplacement des ampoules à incandescence classique par un éclairage LED permet une réduction importante d’énergie, mais la lumière blanche et bleue qu’il diffuse est plus impactante pour la faune et la flore. Mais les LED permettent aussi une plus grande manœuvrabilité, il est possible de faire varier la lumière à moindre coût, on peut changer l’intensité, la couleur, la température de lumière… bien plus facilement que pour les lampes à sodium. Il est donc possible avec les moyens actuels de trouver et d’utiliser des solutions alternatives moins coûteuse qu’avant et beaucoup moins impactante pour la faune et la flore. Il faut aussi profiter des conditions actuelles de changement de lampes pour parler pollution lumineuse.

Les humains sont-ils plus vulnérables que certaines espèces dans le noir ?

De nombreuses espèces ont évolué pour vivre dans le noir le plus complet, les chauves-souris utilisent les ultrasons pour se déplacer, les rapaces nocturnes ont des très grands yeux et une ouïe extrêmement fine, les chats ont une membrane dans l’œil qui réfléchit la lumière, les rongeurs ont des moustaches hypersensibles… Pour certaines de ces espèces, l’obscurité permet d’échapper plus facilement aux prédateurs, même si nombre d’entre eux sont aussi actifs la nuit… D’autres cherchent plutôt à fuir l’écrasante température de la journée. Vivre la nuit peut aussi limiter la compétition avec les espèces du jour pour la nourriture, l’eau et l’espace. Enfin d’autres espèces vivent la nuit pour éviter les humains, c’est le cas par exemple du loup, qui est diurne en Alaska ou en Sibérie, mais nocturne dans les régions peuplées, comme en France, pour éviter les humains.

Selon vous, est-il nécessaire d’éclairer les espaces publics ?

L’éclairage des espaces public peut-être nécessaire à différents niveaux, dans certains lieux et  à certains moments.

D’un point de vue sécuritaire, sur certaines routes sinueuses, par exemple, la lumière peut aider à appréhender les virages. Il permet aussi d’identifier les différents usagers, comme les piétons, et de percevoir leur comportement, et de détecter les obstacles éventuels de la voirie. L’éclairage participe à la convivialité et à l’embellissement des espaces publics en mettant en valeur le patrimoine et en créant des ambiances nocturnes agréables, propices à la flânerie et au commerce. Cela est utile lorsque le soleil se couche à 17h en hiver, l’éclairage public permet d’augmenter la période de « jour ».

Mais, je ne pense pas qu’il soit nécessaire d’éclairer toute la nuit, avec une intensité d’éclairage important et une lumière avec un spectre lumineux blanc-bleue très dérangeante pour la faune et la flore.

Il faut se réconcilier avec la nuit qui répond au besoin biologique (production de mélatonine) pour dormir. Des expériences montrent que la convivialité augmente avec une lumière diminuée. Les effets sécuritaires de l’éclairage ne sont pas scientifiquement démontrés, comme les cambriolages. Il faut éclairer quand on en a besoin : une extinction même partielle permet de réaliser jusqu’à 50% d’économie. Éclairer un monument historique en permanence revient le plus souvent à le banaliser alors que l’éclairer à certaines occasions contribuerai à le mettre en évidence et à rappeler son existence. Il a également été démontré que les villes dont l’éclairage s’éteint après minuit constatent une diminution des actes de vandalismes comme les graffitis, les dégradations et les tapages nocturnes.

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La pollution lumineuse – qu’est-ce que c’est ?

Lorsqu’on nous parle de pollution, nous pensons d’abord à la pollution de l’air ou à celle des océans (de l’eau) ; rarement à la pollution lumineuse. Pourquoi ? Peut-être parce que nous la connaissons mal et que nous l’estimons, à priori, peu néfaste pour notre santé, notre environnement ou notre cadre de vie ? C’est faux ! Des études scientifiques désormais de plus en plus nombreuses démontrent que la pollution lumineuse a un impact certain sur nos rythmes biologiques comme sur ceux des animaux, pouvant affecter notre santé (ex. troubles du sommeil). Mais qu’est-ce « la pollution lumineuse » ?

La pollution lumineuse est un excès nocturne (3) de production lumineuse en milieu ouvert, d’origine humaine, conduisant à dégrader la perception de l’environnement.

Selon l’Union Astronomique Internationale, il y a pollution lumineuse lorsque la lumière artificielle propagée dans le ciel nocturne est supérieure à 10% de sa luminosité naturelle, la nuit. En 2001, une étude publiée par la Royal Astronomical Society (Londres), estimait que la pollution lumineuse impactait 19% des terres émergées, 62% de la surface des Etats-Unis et 85% de la surface de l’Union Européenne (1 et 1a).

Qui sont les grands contributeurs de la pollution lumineuse ?

Principalement concentrés dans les zones urbaines et péri-urbaines, ils sont directement liés à nos modes de vie. Ce sont tous ces éclairages artificiels qui fonctionnent en abondance comme les enseignes publicitaires, les vitrines de magasins, les éclairages urbains, les bureaux éclairés la nuit, les spots sensibles aux mouvements placés aux abords des jardins, des maisons, des entrepôts, les stades de foot, les aéroports, …

Cette accumulation de sources d’éclairages artificiels publics ou privés, trop puissants, trop nombreux, mal conçus ou mal orientés provoquent de la pollution lumineuse qui forme au-dessus des agglomérations des sortes de dômes orangés, des halos lumineux parfois visibles de très loin (11).

 La pollution lumineuse de la ville de Toulouse, le 6 août 2010. © afp.com/REMY GABALDA

Quels sont les facteurs déterminants de la pollution lumineuse ?

1. L’utilisation d’installations d’éclairage peu performantes : De nombreux dispositifs ne concentrent pas la lumière sur la zone à éclairer, d’autres ne rabattent pas convenablement le rayonnement vers le sol. Il en résulte une perte directe d’énergie dont le rendement déplorable engendre également une mauvaise qualité d’éclairage en provoquant l’éblouissement des usagers (2).

Good and bad lighting fixtures © Cities at Night by Alejandro Sánchez de Miguel et al.

2. Des installations trop puissantes : il peut s’agir soit d’un trop grand nombre de points lumineux sur un secteur donné, soit de la puissance exagérée installée sur le dispositif. Ces situations sont fréquentes et se produisent pour des raisons diverses : arguments commerciaux, sensation de sécurité, recherche d’un certain esthétisme.

Le lampadaire « boule », où comment gaspiller 60 % de l’éclairage qui n’est pas dirigé vers le sol ! © A. Le Gué, ANPCEN

3. Une durée de fonctionnement supérieure aux besoins réels.

On voit régulièrement l’éclairage public dans des zones résidentielles éclairées à forte puissance à des heures tardives dans la nuit quand il n’y a plus de passage. La même chose est observée dans des zones commerciales ou des zonings industriels désertés de toute activité économique pendant la nuit.

4. Les types de lumière

La lumière est une onde électromagnétique, caractérisée par une distribution spectrale (9) perçue comme une couleur. Des études scientifiques menées sur les impacts sur l’environnement (humain, animal, végétal) de différents spectres lumineux mettent en évidence que certains spectres ont des effets pénalisant sur le vivant et la santé humaine (ex. troubles du sommeil, problèmes de vue, …). En ce sens, les types de lumière sont de plus en plus pris en compte comme un paramètre de la pollution lumineuse.

Que sait-on des impacts de la pollution lumineuse sur l’environnement, la santé ?

De nombreux scientifiques travaillent pour attirer l’attention des pouvoirs publics sur les impacts néfastes de cette pollution sur la santé mais aussi sur l’environnement (faune, flore, écosystèmes) (4).

  1. Chez l’être humain, la pollution lumineuse est suspectée d’altérer le système hormonal et la sécrétion de la mélatonine qui affecte le sommeil, le vieillissement et favoriserait développement de tumeurs. Chez les animaux – comme chez l’homme – la pollution lumineuse peut affecter rythmes biologiques, activités nocturnes, migrations, …. Quant aux spectres lumineux, des études suggèrent qu’au fil du temps, une exposition à la partie bleue du spectre de lumière (ex : téléviseurs, ordinateurs, ordinateurs portatifs, téléphones intelligents, tablettes) est susceptible de causer des dommages à long terme comme par exemple des dommages à la rétine et contribuer à la dégénérescence maculaire liée à l’âge qui peut entraîner la cécité. La couleur perçue d’une source lumineuse résulte d’une somme d’émissions à différentes longueurs d’ondes. C’est la composante dominante qui est perçue par l’œil humain. Il est bon de noter que la sensibilité des yeux d’autres espèces vivantes est différente de la nôtre. Dès lors ce qui peut être considéré comme bon ou acceptable pour l’homme ne l’est pas nécessairement pour l’animal.
Les longueurs d’ondes sont mesurées en nanomètres (nm). Un nanomètre est égal à un milliardième de mètre. DMLA* : Dégénérescence maculaire liée à l’âge (8) (Source)

Des solutions d’éclairage nocturne à compositions spectrales émettant dans les longueurs d’ondes vertes ou rouges moins nocives pour l’homme et qui – tout en restant parfaitement visibles pour l’Homme – s’accompagnent d’une moindre perturbation de l’environnement, de la faune nocturne comme du cycle du sommeil (10) commencent à être développées et testées.

A titre d’exemple, les chercheurs ont identifié la composante bleue de la lumière blanche comme étant celle qui donne le signal du réveil le matin ; par contre pour le repos il faudrait privilégier une lumière douce et chaude à dominante rouge, propice à l’endormissement (13). Les hormones de la « satiété » sont stimulées par la présence des couleurs vert et bleu le matin – après une nuit « courte », l’exposition à la lumière verte ou bleue augmenterait la concentration de leptine réduisant le signal de « faim ». La nuit, l’exposition à la lumière blanche, au rouge et au bleu augmente l’attention (ne pas confondre avec la performance!) et réduit la somnolence. L’après-midi seule la lumière rouge a un effet sur la réduction de la somnolence et l’augmentation de l’attention (12).

  1. D’un point de vue comportemental, la pollution lumineuse entraîne des réponses de type attraction/répulsion et orientation/désorientation. Certains animaux s’éloignent de la source de lumière et au contraire d’autres, en s’approchant des éclairages artificiels, peuvent entrer en collision avec les grandes structures éclairées, se déshydrater voire se brûler au contact des lampes et devenir des proies ce qui peut amener à une diminution des individus de certaines espèces (5).
  2. Elle réduit la visibilité du ciel nocturne et sur le plan économique, conduit à une dépense inutile quand la lumière produite est dirigée vers le ciel.

Quelles sont les initiatives liées à la lutte contre la pollution lumineuse 

Petit à petit, la communauté scientifique a attiré l’attention des pouvoirs publics sur les dangers de cette pollution et une prise de conscience s’est faite. Elle se traduit par des mesures concrètes voire contraignantes à des échelles plus ou moins grandes. Ainsi des communes signent des chartes d’éclairage durable, des règlementations visant les éclairages des bâtiments commencent à être mis en place. Des décrets sont pris pour règlementer l’utilisation des éclairages dans différents espaces.

Sur base de recherches récentes, de nouvelles normes sont établies pour guider les fabricants d’éléments d’éclairage. Des indications concernant les consommations sont également formulées via des études d’éclairages sur base des besoins réels. Des cahiers de charges pour le choix des luminaires et le recours à des technologies de systèmes de commande à distance d’appareils sont encouragés (6).

A cela s’ajoute aussi un important travail de sensibilisation et d’information de la population et d’autres catégories de publics sur la pollution lumineuse et les mesures à prendre pour limiter ses impacts.

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La lumière, cette force obscure

Photo de Luxembourg-Ville la nuit, prise en décembre 2019 (Photo : Tania Feller)
La quasi-totalité de la population mondiale vit aujourd’hui sous un ciel pollué par la lumière artificielle. Une situation qui n’est pas sans conséquence sur la santé et l’environnement. Nous avons interrogé des spécialistes et des citoyens luxembourgeois sur nos habitudes à revoir.

Lampadaires, enseignes lumineuses, vitrines et bureaux perpétuellement allumés… Aujourd’hui, il faut se rendre dans des contrées retirées pour pouvoir véritablement profiter d’une nuit noire et admirer en toute quiétude la voûte céleste tant notre ciel nocturne est altéré par la lumière artificielle. Selon la revue scientifique Science Advances, qui a publié en 2016 un atlas mondial de la luminosité nocturne, un tiers de l’humanité ne voit en effet plus la Voie lactée, dont 60 % d’Européens et près de 80 % des Nord-Américains. Pis, «83 % de la population mondiale et plus de 99 % de la population des États-Unis et européenne vivent dans des régions où le ciel nocturne dépasse le seuil fixé pour le statut de ciel pollué».

Ce sont les astronomes qui les premiers, dès les années 1980, ont mis en avant la problématique de la pollution lumineuse, les éclairages artificiels masquant la lumière des étoiles. Pour l’Union astronomique internationale, il y a pollution lumineuse lorsque la lumière artificielle est supérieure à 10 % de la lumière naturelle de la nuit.

Droit à un ciel non pollué

Mais l’état dégradé de notre ciel ne nuit pas seulement à l’observation des astres célestes, bien au contraire. C’est l’ensemble de l’écosystème qui s’en trouve affecté.

Outre le gaspillage d’énergie (lequel implique une production plus importante qui peut elle-même avoir des conséquences environnementales et économiques), une lumière artificielle trop intense ou trop dense fait perdre leurs repères à bon nombre d’animaux, tels que les insectes et certains oiseaux, et même dérégler leurs horloges biologiques et avoir un impact sur leur physiologie et leur reproduction.

Ainsi, les insectes, attirés par la lumière, s’épuisent autour des points lumineux, au point d’en oublier de manger ou de copuler. Un exemple alarmant parmi d’autres : les vers luisants, qui ont presque disparu, les mâles ne repérant plus les femelles qui émettent de la lumière pour les attirer.

Quant aux oiseaux, du fait de l’abondante lumière artificielle, «ils commencent à être actifs pendant la nuit, ce qui réduit leur temps de récupération et de sommeil. Ils ont donc moins d’énergie pour se chercher à manger la journée, et ils ont aussi tendance à produire moins d’œufs», explique Laurent Spithoven, chef de projet au parc naturel de l’Our, lequel s’est engagé au sein d’un projet européen à réduire la pollution lumineuse (article en lien). Les oiseaux migrateurs qui s’orientent avec la lune ou les étoiles ne sont pas en reste : «Désorientés par l’éclairage artificiel, ils font des détours et n’ont plus assez d’énergie pendant leur trajet».

La terre vue de l’espace, la nuit (Photo d’illustration : AFP)

Même les poissons subissent les effets pervers d’un éclairage trop envahissant, que celui-ci soit installé directement dans l’eau ou qu’il se réverbère simplement sur la surface, la lumière attirant le plancton, lequel délaisse alors d’autres zones pour se concentrer sur les zones illuminées. Même le cycle de floraison des végétaux peut être décalé !

Mais la faune et la flore ne sont pas les seuls à subir directement les effets négatifs de la lumière nocturne artificielle. L’être humain, de plus en plus citadin, est aussi touché de plein fouet par le phénomène, à l’instar de Gabrielle, qui vit au Pfaffenthal depuis une quinzaine d’années : «Il ne fait jamais noir chez moi. Les façades de ma rue sont classées au patrimoine mondial de l’Unesco, nous ne pouvons donc pas poser de volets. La lumière de l’éclairage public et celle de l’ascenseur ne sont pas complètement occultées par les stores. Il y a aussi deux restaurants avec des néons et des spots qui éclairent complètement la façade. Et puis, du coup, on entend aussi les oiseaux chanter toute la nuit.» Résultat? «J’ai le sommeil plus léger», reconnaît la jeune femme.

Avec toutes les conséquences, parfois dramatiques, sur la santé que le manque de sommeil peut impliquer. La lumière a en effet un impact sur la biologie même de l’homme, comme le rappelle Laurent Spithoven : «Elle participe à la production de la mélatonine, l’hormone qui régule la fatigue. Or cette production diminue lorsqu’il y a trop de lumière artificielle, ce qui a des conséquences sur le sommeil et génère donc un stress.» Lequel est susceptible d’entraîner maladies cardiovasculaires, prise de poids, vieillissement prématuré…

Adapter l’éclairage de nuit

Faut-il pour autant tout éteindre ? Gabrielle, même gênée par l’éclairage public permanent, ne souhaite pas arriver à une telle extrémité. «La lumière apporte un sentiment de sécurité. Mais on peut peut-être l’adapter. Par exemple, l’ascenseur du Pfaffenthal ferme à une heure du matin. Pourquoi les lumières restent-elles allumées toute la nuit? De même pour les décorations de Noël. Ou le pont rouge. On est dans une commune censée être verte».

Pas question non plus de supprimer complètement la lumière artificielle pour Laurent Spithoven : «Nous avons besoin de sécurité sur les routes ou au travail, mais aussi pour garantir une certaine qualité de vie, et même pour mettre en valeur l’architecture des villes. Seulement, il faut le faire de manière plus appropriée. Par exemple, pour ce qui est des bâtiments, parfois de gros spots sont dirigés sur les monuments. Il faut en fait orienter la lumière du haut vers le bas, afin qu’elle ne se diffuse pas partout».

Pour ce qui est de l’éclairage des rues, l’une des premières solutions envisagées déjà par de nombreuses communes du pays est d’adopter des lampadaires orientés vers le sol (et non plus en boule par exemple) afin de limiter la diffusion de la lumière, mais aussi de remplacer les ampoules traditionnelles par des leds. Avec un bémol toutefois. «Le spectre électromagnétique est très important en matière de pollution lumineuse», explique Laurent Spithoven. «Or la lumière bleue – la même que celle diffusée par nos écrans et qui perturbe notre sommeil –, correspond à des températures très élevées. Et avec les leds, on augmente cette lumière bleue. Mais la technologie a fort heureusement évolué et les toutes nouvelles leds permettent de diminuer les températures».

Une solution qui a été envisagée par la commune d’Esch-sur-Alzette, signataire du Pacte climat, destiné à promouvoir les mesures d’une politique durable de l’énergie et du climat. La commune a en effet décidé d’«illuminer de façon plus appropriée la rue de l’Alzette».

Celle-ci a en effet «récemment été adaptée avec le montage de nouveaux lampadaires du type led», déclare Ady Emering, directeur des services industriels de la commune d’Esch. «Les alentours de la rue de l’Alzette, tout comme le reste de la ville, seront modifiés au fur et à mesure que les chantiers de renouvellement des rues seront entamés». De gros travaux de réfection devraient en effet commencer en 2023, qui prendront en compte les nouvelles mesures et avancées en matière de limitation de la pollution lumineuse.

L’installation de détecteurs de mouvement sur les lampadaires, qui s’allumeraient ou augmenteraient l’intensité de la luminosité en fonction du passage, peut être envisagée, mais seulement «sur des chemins piétonniers ou de mobilité douce, entre villages», précise Ady Emering. «Dans la ville même, avec le trafic régulier dans toutes les rues, ils ne feraient que transformer la ville en discothèque. Par contre, il est prévu de pouvoir diminuer la luminosité dans diverses rues (comme la rue de l’Alzette) de quelque 20 à 30 % pendant la nuit par exemple, quand le trafic est moindre. Les travaux ont déjà commencé il y a deux ou trois ans, et se poursuivront dans les années à venir. Actuellement, on estime que la transition sera aboutie d’ici cinq ans».

Une prise de conscience parfois tardive. L’enjeu est tel que l’Unesco avait intégré dès 1992 dans sa déclaration sur la sauvegarde des générations futures un volet spécifique au droit et à la conservation du ciel et de sa pureté : «Les générations futures ont droit à une Terre et à un ciel non pollués».

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Globe at Night : devenez chasseur d’étoiles!

En 2020, et pour la 12e année consécutive, Globe at Night nous invite à augmenter sa base de données en observant et en comptant les étoiles dans le ciel. À vos smartphones!

Une des conditions de la résolution du problème de la pollution lumineuse réside dans la compréhension approfondie de son ampleur et une des meilleures façons d’y arriver est de mesurer la luminosité du ciel nocturne. Heureusement, il est relativement facile de réaliser de telles mesures et, grâce à Globe at Night, vous pouvez  aider la communauté scientifique!

Initié en 2009, Globe at Night est un programme international de science citoyenne qui vise à sensibiliser le grand public au problème de la pollution lumineuse. Il invite ainsi, chaque année, les citoyens à mesurer la luminosité de leur ciel nocturne et à soumettre leurs observations à partir d’un ordinateur ou de leur smartphone. En 2019, Globe at Night a reçu plus de 10000 points de données de participants dans 70 pays!

Pour les observations prévues en 2020, plusieurs dates ont été privilégiées. A noter que le programme espère obtenir un maximum de relevés entre la mi-février et la fin mars.

Globe at Night possède sa propre application web, mais également un site de rapport indépendant de la plate-forme, permettant à n’importe quel téléphone portable d’évaluer facilement la luminosité du ciel nocturne local (ou de l’obscurité!). Les smatphones enregistreront automatiquement la date, l’heure et le lieu ; seuls la mesure (graphique en étoile choisi) et l’une des 4 images du pourcentage de couverture nuageuse proposées sont donc nécessaires.

Nous vous invitons vivement à contribuer à cette initative, et – plus globalemeent – à l’effort de sensibilisation aux problèmes de pollution lumineuse en collectant des données pour aider à surveiller son état!

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« Luciole » : une initiative lilloise au service des citoyens et de la biodiversité

Depuis 2017, le site de la Citadelle de Lille (FR) bénéficie d’un dispositif d’éclairage public de toute dernière génération. Ce projet, intitulé LUCIOLE (LUmière Citadine Optimisée pour L’Environnement), a pour ambition de concilier le confort des usagers et le respect de la biodiversité. Retour sur ce projet expérimental !

Allumage par détection de mouvement, éclairage limitant fortement la pollution lumineuse, mise en veilleuse ou extinction au bout de vingt secondes… LUCIOLE propose un éclairage qui s’adapte pour préserver l’habitat naturel d’une partie de la faune locale, tout en assurant la sécurité des déplacements des citoyens. Le projet vise ainsi à limiter l’impact de la pollution lumineuse sur les chauves-souris (chiroptères) mais aussi sur les papillons de nuit et autres insectes nocturnes (hétérocères) dont elles se nourrissent. Le projet d’aménagement impacte directement l’éclairage d’une bande de 2600 mètres de long et 50 mètres de large, soit 13 hectares. Globalement, c’est une quarantaine d’hectares qui sont impactés biologiquement par ce système d’éclairage public conçu pour faciliter la circulation de la faune bloquée par l’éclairage traditionnel.

« Concrètement, il s’agit d’améliorer le confort des usagers tout en contribuant à restaurer la biodiversité, à limiter les émissions de chaleur en ville et à réduire les impacts négatifs de l’éclairage public » 

Le système mobilise les dernières générations d’équipements, liaisons et systèmes de pilotage à distance, déjà réalisés ou en cours d’implantation sur le secteur de l’île de la Citadelle (remparts, Champ de Mars, plaine des sports, bords du canal,…), nombre de ces aménagements ayant été pensés pour favoriser la biodiversité (aménagement des casemates, nichoirs, gîte pour abeilles solitaires, etc…).

D’autres installations, situées à proximité, ont été adaptées de manière plus classique (coupes-flux, horloges, luminaires plus performants) afin de générer le moins de nuisances lumineuses possibles sur le site à protéger. La biodiversité du territoire lillois est en effet menacée par la fragmentation de l’habitat, la destruction des corridors écologiques, la pollution lumineuse, l’appauvrissement génétique des populations… La Ville a donc initié dès 2003 une stratégie de restauration de la biodiversité urbaine qui a notamment porté sur : 

    • La diminution de l’utilisation des produits phytosanitaires (dès 2003 ; 0 phyto depuis 2008);
    • La restauration des territoires de chasse des chiroptères, la préservation des arbres à cavités et la protection et l’aménagement de sites d’hibernation (2004);
    • Le développement des parcs et jardins (2008) …

Cette stratégie s’est aussi traduite par de nombreux projets, parmi lesquels une étude « Trame noire » sur l’impact de la pollution lumineuse dans la métropole avec un focus particulier sur le secteur lillois (2015). La Deûle, qui traverse le site, a été identifiée comme une voie de passage et une continuité nocturne majeures dans le réseau hydrographique régional.

La Ville a donc souhaité rétablir la continuité entre les espaces verts du secteur de la Citadelle et cette voie de circulation des espèces reliée à un vaste réseau hydrographique jusqu’à la Mer du Nord. Un habitat naturel qui compte pas moins de six espèces d’amphibiens, plusieurs couples de martins-pêcheurs et d’hirondelles de rivage, neuf espèces de chauves-souris et au moins une cinquantaine d’espèces de papillons de nuit… la Citadelle accueillant en particulier les chauves-souris en période d’hibernation.

Soutenue par l’Europe, LUCIOLE, prolonge la politique environnementale qui a déjà valu à Lille le titre de « Capitale française de la biodiversité » en 2012. Le programme Feder « Nature en ville » finance 70 % des réalisations, soit 439 708€ sur un budget de 628 154€ (HT).

Des études approfondies sont menées sur plusieurs années pour mesurer l’impact de ces innovations sur le retour des espèces menacées de disparition. À noter enfin que le projet LUCIOLE est une opération qui prolonge la politique environnementale de la Ville de Lille, en s’inscrivant notamment dans le label Lille en transition.

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